À l'occasion des 20 ans du programme PiSourd·e, l'exposition collective Vivre en plusieurs langues invite à s'ouvrir à l'imaginaire de la Langue des Signes et de la culture Sourde, et à s'intéresser plus largement à la diversité des langues, à ce qu'elles véhiculent et aux potentiels créatifs du passage d'une langue à l'autre.
Rassemblant les œuvres d'artistes Sourd·es, entendant·es, CODA (Children of Deaf Adults, enfants de parents Sourd·es), francophones ou polyglottes, l'exposition propose ainsi de mettre en réseau une pluralité de langues et de moyens d'expression : langues des signes, langues vocales et langages artistiques (écriture, dessin, musique, danse, peinture, vidéo...) se côtoient ici dans un même espace. Chacune à leur manière, elles abordent une multiplicité de questionnements liés à la perception et à la communication. Comment se comprendre lorsque l'on ne parle pas la même langue ? Peut-on réellement communiquer, sans tout saisir de l'autre ? Quelles spécificités possèdent les langues des signes, que les langues vocales n'ont pas ?
Dans une polyphonie colorée, les quatorze artistes de cette exposition interrogent la notion d'altérité - c'est-à-dire, ce qui renvoie à l'autre et à l'ailleurs. Certain·es, tout d'abord, œuvrent pour la reconnaissance de l'identité Sourde, longtemps marginalisée. Renversant les rapports de force, ils et elles construisent des passerelles entre culture Sourde et culture entendante, dans une société où l'oralité est dominante, voire écrasante. Tandis que d'autres s'intéressent à la traduction : qu'il s'agisse de se heurter à la barrière d'une langue que l'on ne maîtrise pas, ou bien de jouer sur les entre-deux, les incompréhensions ou les translations, ces artistes nous laissent entrevoir ce que signifie "ne pas vivre en une seule langue" (Giuseppe Caccavale). Enfin, d'autres encore explorent les liens entre l'écriture, le son, la musique, le supposé silence et la culture Sourde.
Du geste symbolique au langage codé, des idéogrammes à la transcription du son de manière visuelle, les artistes réuni·es ici puisent dans la créativité sans fin de la langue des signes pour inventer de nouvelles façons, poétiques et imagées, de communiquer. Ainsi, l'exposition Vivre en plusieurs langues propose une plongée dans un mélange de langues dont les imaginaires et les spécificités nous invitent à cultiver la nécessaire pluralité des façons de dire et de voir le monde.
— Ninon Duhamel, commissaire de l'exposition